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Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/124

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LE CAPITAINE FRACASSE.

fièvre. Bientôt la tiédeur l’envahit, ses dents cessèrent de claquer, et elle partit pour le pays des songes. Nous devons avouer que dans ses rêves enfantins ne voletaient pas de beaux chérubins roses cravatés d’ailes blanches, ne bêlaient pas des moutons savonnés et ornés de faveurs, ne s’élevaient pas des palais de caramel à colonnes d’angélique. Non ; Chiquita voyait la tête coupée d’Isabelle qui tenait entre ses dents le collier de perles, et, sautant par bonds désordonnés et brusques, cherchait à le dérober aux mains tendues de l’enfant. Ce rêve agitait Chiquita, et Agostin, à demi réveillé aux soubresauts, murmurait parmi un ronflement :

« Si tu ne te tiens pas tranquille, je t’envoie d’un coup de pied, au bas du talus, gigoter avec les grenouilles. »

Chiquita, qui savait Agostin homme de parole, se le tint pour dit et ne bougea plus. Le souffle de leurs respirations égales fut bientôt le seul bruit qui trahît la présence d’être vivants dans cette morne solitude.

Le brigand et sa petite complice buvaient à pleines gorgées à la coupe noire du sommeil, au milieu de la lande, quand à l’auberge du Soleil bleu le bouvier, frappant le sol de son aiguillon, vint avertir les comédiens qu’il était temps de se mettre en route.

On s’arrangea comme on put dans le chariot, sur les malles qui formaient des angles désordonnés, et le Tyran se compara au sieur Polyphème, couché sur une crête de montagne, ce qui ne l’empêcha pas de