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LES CHOSES SE COMPLIQUENT.

bine, tu as négligé de le translater en français, oubliant que tout le monde n’a pas été comme toi régent de collège et distributeur de férules.

— On le pourrait traduire, répondit Blazius, par deux carmes ou versiculets en cette teneur :


Fuyez, on vous suivra ;
Suivez, on vous fuira.


— Voilà, dit Zerbine en riant, de la vraie poésie pour la flûte à l’oignon et les cornets en pâte sucrée qu’on enfonce dans les biscuits. Cela doit aller sur l’air de Robin et Robine. »

Et la folle créature se mit à chanter les vers du Pédant à pleine gorge, d’une voix si claire, si argentine et si perlée, que c’était plaisir de l’entendre. Elle accompagnait son chant de mines tellement expressives, tantôt riantes, tantôt fâchées, qu’on croyait voir la poursuite et la retraite de deux amants, l’un enflammé, l’autre dédaigneux.

Quand elle eut bien lâché la bride à sa folâtrerie, elle se rasséréna et devint sérieuse.

« Écoutez mon histoire. Le marquis m’avait fait conduire par ce valet et ce garçon de mules qui me vinrent prendre au carrefour de la Croix à un petit castel ou pavillon de chasse qu’il possède en un de ses bois, fort retiré et difficile à découvrir, à moins de savoir qu’il existe, car une noire rangée de sapins le masque. C’est là que ce bon seigneur va faire la débauche avec quelques amis francs compagnons. On y