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LE CAPITAINE FRACASSE.

jambes, sans dire mot et filant sa moustache par manière de contenance.

Chaque comédienne avait son cercle de courtisans dont les yeux goulus cherchaient fortune dans les trahisons et les hasards de la toilette. Tantôt le peignoir glissant à propos découvrait un dos lustré comme un marbre ; tantôt c’était un demi-globe de neige ou d’ivoire qui s’impatientait des rigueurs du corset et qu’il fallait mieux coucher dans son nid de dentelles, ou bien encore un beau bras qui, se relevant pour ajuster quelque chose à la coiffure, se montrait nu jusqu’à l’épaule. Nous vous laisserons à penser que de madrigaux, de compliments et de fadeurs mythologiques arrachèrent à ces provinciaux la vue de pareils trésors ; Zerbine riait comme une folle d’entendre ces sottises ; Sérafine, plus vaniteuse que spirituelle, s’en délectait ; Isabelle ne les écoutait point et sous les yeux de tous ces hommes s’arrangeait avec modestie, refusant d’un ton poli mais froid les offres de service de ces messieurs.

Vallombreuse, suivi de son ami Vidalinc, n’avait eu garde de manquer cette occasion de voir Isabelle. Il la trouva plus jolie encore de près que de loin, et sa passion s’en accrut d’autant. Ce jeune duc s’était adonisé pour la circonstance, et de fait il était admirablement beau. Il portait un magnifique costume de satin blanc, bouillonné et relevé d’agréments et de nœuds cerise attachés par des ferrets de diamants. Des flots de linge fin et de dentelles débordaient des manches du pourpoint ; une riche écharpe en toile