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LES CHOSES SE COMPLIQUENT.

d’argent soutenait l’épée ; un feutre blanc à plume incarnadine se balançait à la main emprisonnée dans un gant à la frangipane.

Ses cheveux noirs et longs, frisés en minces boucles, se contournaient le long de ses joues d’un ovale parfait et en faisaient valoir la chaude pâleur. Sous sa fine moustache ses lèvres brillaient rouges comme des grenades et ses yeux étincelaient entre deux épaisses franges de cils. Son col blanc et rond comme une colonne de marbre supportait fièrement sa tête et sortait dégagé d’un rabat en point de Venise du plus grand prix.

Cependant il y avait quelque chose de déplaisant dans toute cette perfection. Ces traits si fins, si purs, si nobles, étaient déparés par une expression anti-humaine, si l’on peut employer ce terme. Évidemment les douleurs et les plaisirs des hommes ne touchaient que fort peu le porteur de ce visage impitoyablement beau. Il devait se croire et se croyait en effet d’une espèce particulière.

Vallombreuse s’était placé silencieusement près de la toilette d’Isabelle, son bras appuyé sur le cadre du miroir de manière à ce que les yeux de la comédienne, obligée de consulter la glace à chaque minute, dussent souvent le rencontrer. C’était une manœuvre savante et de bonne tactique amoureuse qui eût réussi, sans doute, avec toute autre que notre ingénue. Il voulait, avant de parler, frapper un coup par sa beauté, sa mine altière et sa magnificence.

Isabelle, qui avait reconnu le jeune audacieux de la ruelle et que ce regard d’une ardeur impérieuse gê-