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Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/329

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LES CHOSES SE COMPLIQUENT.

restes aux ordures ! Un misérable qui ose s’interposer entre moi et l’objet de mon désir ! S’il était seulement gentilhomme, je le combattrais à l’épée, à la dague, au pistolet, à pied, à cheval, jusqu’à ce que j’aie posé le pied sur sa poitrine et craché à la face de son cadavre !

— Peut-être l’est-il, fit Vidalinc, je le croirais assez à son assurance ; maître Bilot a parlé d’un comédien qui s’était engagé par amour et qu’Isabelle regardait d’un œil favorable. Ce doit être celui-là, si j’en juge à sa jalousie et au trouble de l’infante.

— Y penses-tu, reprit Vallombreuse, une personne de condition se mêler à ces baladins, monter sur les tréteaux, se barbouiller de rouge, recevoir des nazardes et des coups de pied au derrière ! Non, cela est par trop impossible.

— Jupiter s’est bien mué en bête et même en mari pour jouir de mortelles, répondit Vidalinc, dérogation plus forte à la majesté d’un dieu olympien que jouer la comédie à la dignité d’un noble.

— N’importe, dit le duc en appuyant le pouce sur un timbre, je vais d’abord punir l’histrion, sauf à châtier plus tard l’homme, s’il y en a un derrière ce masque ridicule.

— S’il y en a un ! n’en doutez pas, reprit l’ami de Vallombreuse ; ses yeux brillaient comme des lampes, sous le crin de ses sourcils postiches, et malgré son nez de carton barbouillé de cinabre, il avait l’air majestueux et terrible, chose difficile en cet accoutrement.

— Tant mieux, dit Vallombreuse, ma vengeance