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LE CAPITAINE FRACASSE.

ainsi ne donnera pas de coups d’épée dans l’eau et rencontrera une poitrine devant ses coups. »

Un domestique entra, s’inclina profondément, et dans une immobilité parfaite attendit les ordres du maître.

« Fais lever, s’ils sont couchés, Basque, Azolan, Mérindol et Labriche, dis-leur de s’armer de bons gourdins et d’aller attendre à la sortie du jeu de paume, où sont les comédiens d’Hérode, un certain capitaine Fracasse. Qu’ils l’assaillent, le gourment et le laissent sur le carreau, sans le tuer pourtant ; on pourrait croire que j’en ai peur ! Je me charge des suites. En le bâtonnant qu’on lui crie : De la part du duc de Vallombreuse ; afin qu’il n’en ignore. »

Cette commission, d’une nature assez farouche et truculente, ne parut pas surprendre beaucoup le laquais, qui se retira en assurant à monsieur le duc que ses ordres allaient être exécutés sur l’heure.

« Cela me contrarie, dit Vidalinc, lorsque le valet se fut retiré, que vous fassiez traiter de la sorte ce baladin, qui, après tout, a montré un cœur au-dessus de son état. Voulez-vous que sous un prétexte ou l’autre j’aille lui chercher querelle et que je le tue ? Tous les sangs sont rouges quand on les verse, quoiqu’on dise que celui des nobles soit bleu. Je suis de bonne et ancienne souche, mais non d’un rang si grand que le vôtre, et ma délicatesse ne craint pas de se commettre. Dites un mot et j’y vais. Ce capitaine me semble plus digne de l’épée que du bâton.

— Je te remercie, répondit le duc, de cette offre