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COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

en donnant pour la première fois à son hôte son véritable nom, j’attesterai sur mon honneur devant qui vous le souhaiterez l’antiquité et la noblesse de votre race. Palamède de Sigognac fit merveille à la première croisade, où il menait cent lances sur un dromon équipé à ses frais. C’était à une époque où bien des nobles qui font aujourd’hui les superbes n’étaient pas même écuyers. Il était fort ami de Hugues de Bruyères, mon aïeul, et tous deux couchaient sous la même tente comme frères d’armes. »

À ces glorieux souvenirs, Sigognac relevait la tête ; il sentait palpiter en lui l’âme des aïeux, et Zerbine, qui le contemplait, fut surprise de la beauté singulière, et pour ainsi dire intérieure, qui illuminait comme une flamme la physionomie habituellement triste du Baron. « Ces nobles, se dit la Soubrette, ont l’air d’être sortis de la propre cuisse de Jupiter ; au moindre mot, leur orgueil se dresse sur les ergots, et ils ne peuvent, comme les vilains, digérer l’insulte. C’est égal, si le Baron me regardait avec ces yeux-là, je ferais bien, en sa faveur, une infidélité au marquis. Ce petit Sigognac flambe d’héroïsme ! »

« Donc, puisque telle est votre opinion sur ma famille, dit le Baron au marquis, vous défierez en mon nom M. le duc de Vallombreuse et lui porterez le cartel ?

— Je le ferai, répondit le marquis d’un ton grave et mesuré qui contrastait avec son enjouement ordinaire, et de plus je mets comme second mon épée à votre service. Demain je me présenterai à l’hôtel Val-