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COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

noires au centre duquel était enchâssée une petite glace qu’elle ne consultait point.

Les violons, en jouant une ritournelle, ramenèrent l’attention générale vers le théâtre, et personne ne prit plus garde à cette beauté mystérieuse qu’on eût pu prendre pour la dama tapada de Calderon.

On commença par Lygdamon et Lydias. La décoration, représentant un paysage bocager tout verdoyant d’arbres, tapissé de mousse, arrosé de claires fontaines, et se terminant au loin par une fuite de montagnes azurées, disposa favorablement le public par son agréable aspect. Léandre, qui jouait Lygdamon, était vêtu d’un habit zinzolin rehaussé de quelques broderies vertes à la mode pastorale. Ses cheveux calamistrés se tordaient en boucles sur sa nuque, où un ruban les rattachait de la façon la plus galante. Une collerette légèrement godronnée dégageait son col aussi blanc que celui d’une femme. Sa barbe, rasée au plus près, colorait sa joue et son menton d’une imperceptible teinte bleuâtre et les veloutait comme d’une fleur de pêche, comparaison que rendait plus exacte encore la fraîcheur vermeille du fard étendu discrètement sur les pommettes. Ses dents, avivées par le carmin des lèvres et brossées à outrance, étincelaient comme des perles qu’on tire du son. Un trait d’encre de Chine avait régularisé les pointes de ses sourcils, et une autre ligne d’une ténuité extrême, lui bordant les paupières, prêtait au blanc de ses yeux un éclat extraordinaire.

Un murmure de satisfaction parcourut l’assemblée :