ger, la pièce la plus habitable de la maison. Pierre trouva au fond du bûcher un fagot et quelques brassées de broussailles qu’il jeta dans la cheminée et qui se mirent à flamber joyeusement. Quoiqu’on ne fût encore qu’au début de l’automne, un peu de feu était nécessaire pour sécher les vêtements humides de ces dames ; d’ailleurs la nuit était fraîche et l’air sifflait par les boiseries disjointes de cette pièce inhabitée.
Les comédiens, bien qu’habitués par leur vie errante aux gîtes les plus divers, regardaient avec étonnement cet étrange logis que les hommes semblaient avoir abandonné depuis longtemps aux esprits et qui faisait naître involontairement des idées d’histoires tragiques ; pourtant ils n’en témoignaient, en personnes bien élevées, ni terreur ni surprise.
« Je ne puis vous donner que le couvert, dit le jeune Baron, mon garde-manger ne renferme pas de quoi faire souper une souris. Je vis seul en ce manoir, ne recevant jamais personne, et vous voyez, sans que je vous le dise, que la fortune n’habite pas céans.
— Qu’à cela ne tienne, répliqua le Pédant ; si, au théâtre, l’on nous sert des poulets de carton et des bouteilles de bois tourné, nous nous précautionnons, pour la vie ordinaire, de mets plus substantiels. Ces viandes creuses et ces boissons imaginaires iraient mal à nos estomacs, et, en qualité de munitionnaire de la troupe, je tiens toujours en réserve quelque jambon de Bayonne, quelque pâté de venaison, quelque longe de veau de Rivière, avec une douzaine de flacons de vin de Cahors et de Bordeaux.