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LE CHARIOT DE THESPIS.

— Bien parlé, Pédant, exclama le Léandre ; va chercher les provisions, et, si ce seigneur le permet et daigne souper avec nous, dressons ici même la table du festin. Il y a dans ces buffets assez de vaisselle, et ces dames mettront le couvert. »

Au signe d’acquiescement que fit le Baron tout étourdi de l’aventure, l’Isabelle et la donna Sérafina, assises toutes deux près de la cheminée, se levèrent et rangèrent les plats sur la table préalablement essuyée par Pierre et recouverte d’une vieille nappe usée, mais blanche.

Le Pédant reparut bientôt portant un panier de chaque main, et plaça triomphalement au milieu de la table une forteresse de pâté aux murailles blondes et dorées, qui renfermait dans ses flancs une garnison de becfigues et de perdreaux. Il entoura ce fort gastronomique de six bouteilles, pour ouvrages avancés, qu’il fallait emporter avant de prendre la place. Une langue de bœuf fumée et une tranche de jambon complétèrent la symétrie.

Béelzébuth, qui s’était perché sur le haut d’un buffet et suivait curieusement de l’œil ces préparatifs extraordinaires, tâchait de s’approprier, au moins par l’odorat, toutes ces choses exquises étalées en abondance. Son nez couleur de truffe aspirait profondément les émanations parfumées ; ses prunelles vertes jubilaient et scintillaient, une petite bave de convoitise argentait son menton. Il aurait bien voulu s’approcher de la table et prendre sa part de cette frairie à la Gargantua si en dehors des sobriétés érémitiques