Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
DOUBLE ATTAQUE.

d’ailleurs ce sang était trop vil pour qu’il y trempât ses nobles mains, il se contint donc, et saluant avec une politesse glaciale Isabelle, qui, toute tremblante, s’était rapprochée de ses amis, il sortit de la chambre, mais au seuil de la porte il se retourna, fit un signe de la main, et dit : « Au revoir, mademoiselle ! » une phrase bien simple assurément, mais qui prenait du son de voix dont elle était prononcée des signifiances menaçantes et terribles. La tête de Vallombreuse, si charmante tout à l’heure, avait repris son expression de perversité diabolique ; Isabelle ne put s’empêcher de frémir, bien que la présence des comédiens la mît à l’abri de toute tentative. Elle eut ce sentiment d’angoisse mortelle de la colombe au-dessus de laquelle le milan trace dans l’air des cercles de plus en plus rapprochés.

Vallombreuse regagna son carrosse suivi par l’hôtelier qui se confondait derrière lui en politesses impatientantes et superflues, et bientôt le grondement des roues indiqua que le dangereux visiteur était enfin parti.

Maintenant, voici comment s’explique le secours venu si à propos pour Isabelle. L’arrivée du duc de Vallombreuse en carrosse doré à l’hôtel de la rue Dauphine avait produit une rumeur d’étonnement et d’admiration dans toute l’auberge, qui était bientôt parvenue aux oreilles du Tyran occupé, comme Isabelle, à étudier dans sa chambre. En l’absence de Sigognac, retenu au théâtre pour y essayer un costume nouveau, le brave Hérode, connaissant les mauvaises