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LE CAPITAINE FRACASSE.

aime ! Mais il perdait sensiblement du terrain, et déjà le cavalier avait gagné le bois dont la masse, bien que dénuée de feuilles, suffisait par l’enchevêtrement de ses troncs et de ses branches à masquer la direction qu’avait prise le bandit.

Quoique forcené de rage et outré de douleur, il fallut bien que Sigognac s’arrêtât, laissant son Isabelle si chère aux griffes de ce démon ; car il ne la pouvait secourir même avec l’aide d’Hérode et de Scapin qui, au bruit de la pistolade, étaient sautés à bas de la charrette, bien que le maraud de laquais tâchât à les retenir, se doutant de quelque algarade, mésaventure ou guet-apens.

En quelques mots brefs et saccadés, Sigognac les mit au courant de l’enlèvement d’Isabelle et de tout ce qui s’était passé.

« Il y a du Vallombreuse là-dessous, dit Hérode ; a-t-il eu vent de notre voyage au château de Pommereuil et nous a-t-il dressé cette embuscade ? ou bien cette comédie pour laquelle j’ai reçu des sommes n’était-elle qu’un stratagème destiné à nous attirer hors de la ville où de semblables coups sont difficiles et dangereux à faire ? En ce cas, le sacripant qui a joué le majordome vénérable est le plus grand acteur que j’aie jamais vu. J’aurais juré que ce drôle était un naïf intendant de bonne maison tout pétri de vertus et qualités. Mais maintenant que nous voilà trois, fouillons en tous sens ce bocage pour trouver au moins quelque indice de cette bonne Isabelle que j’aime, tout tyran que je suis, plus que ma fressure et mes petits