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LE CAPITAINE FRACASSE.

Isabelle se rassit et se mit à crier, espérant être entendue de quelque passant.

« Mademoiselle, calmez-vous, de grâce, dit le ravisseur mystérieux avec toutes les formes de la plus exquise politesse. Ne me forcez point à employer la contrainte matérielle avec une si charmante et si adorable personne. On ne vous veut aucun mal, peut-être même vous veut-on beaucoup de bien. Ne vous obstinez pas à des révoltes inutiles : si vous êtes sage, j’aurai pour vous les plus grands égards, et une reine captive ne serait pas mieux traitée ; mais si vous faites le diable, si vous vous démenez et criez pour appeler un secours qui ne vous viendra point, j’ai de quoi vous réduire. Ceci vous rendra muette et cela vous fera rester tranquille. »

Et l’homme tirait de sa poche un bâillon fort artistement fabriqué et une longue cordelette de soie roulée sur elle-même.

« Ce serait une barbarie, continua-t-il, d’adapter cette espèce de muselière ou caveçon à une bouche si fraîche, si rose et si melliflue ; des cercles de corde iraient très-mal aussi, convenez-en, à des poignets mignons et délicats faits pour porter des bracelets d’or constellés de diamants. »

La jeune comédienne, quelque courroucée et désolée qu’elle fût, se rendit à ces raisons qui, en effet, étaient bonnes. La résistance physique ne pouvait servir à rien. Isabelle se réfugia donc dans l’angle du carrosse et demeura silencieuse. Mais des soupirs gonflaient sa poitrine et, de ses beaux yeux, des larmes roulaient