Dès qu’elle eut reconnu la bizarre créature, Isabelle se remit de l’émotion que lui avait fait éprouver cette apparition inattendue. Chiquita n’était pas par elle-même bien redoutable, et d’ailleurs elle semblait professer, à l’endroit de la jeune comédienne, une sorte de reconnaissance désordonnée et fantasque qu’elle avait prouvée à sa manière dans une première rencontre.
Chiquita, tout en regardant Isabelle, murmurait à demi-voix cette espèce de chanson en prose qu’elle avait fredonnée avec un accent de folie, le corps engagé dans l’œil-de-bœuf, lors de la première tentative d’enlèvement aux Armes de France : « Chiquita danse sur la pointe des grilles, Chiquita passe par le trou des serrures. »
« As-tu toujours le couteau, dit cette singulière créature à Isabelle lorsqu’elle se fut approchée de la cheminée, le couteau à trois raies rouges ?
— Oui, Chiquita, répondit la jeune femme, je le porte là, entre ma chemisette et mon corsage. Mais pourquoi cette question ; ma vie est-elle donc en péril ?
— Un couteau, dit la petite dont les yeux brillèrent d’un éclat féroce, un couteau est un ami fidèle ; il ne trahit pas son maître, si son maître le fait boire ; car le couteau a soif.
— Tu me fais peur, mauvaise enfant, reprit Isabelle que troublaient ces paroles sinistrement extravagantes, mais qui, dans la position où elle se trouvait pouvaient renfermer un avertissement profitable.