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Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/257

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LE CAPITAINE FRACASSE.

sorte, que Mérindol, étranglé comme s’il eût eu la tête passée dans le nœud de la hart, ouvrit le bec afin de reprendre son vent et laissa choir son couteau qui tomba au fossé. Comme la pression à la gorge continuait, ses genoux se desserrèrent, ses bras flottants firent quelques mouvements convulsifs ; et bientôt le bruit d’une lourde chute résonna dans l’ombre, et l’eau du fossé rejaillit en gouttes jusque sous les pieds d’Hérode.

« Et d’un, se dit le Tyran ; s’il n’est pas étouffé, il sera noyé. Cette alternative m’est douce. Mais poursuivons cette descente périlleuse. »

Il avança encore de quelques pieds. Une petite étincelle bleuâtre tremblotait à une petite distance de lui, trahissant une mèche de pistolet ; le déclic du rouet joua avec un bruit sec, une lueur traversa l’obscurité, une détonation se fit entendre et une balle passa à deux ou trois pouces au-dessus d’Hérode, qui s’était baissé dès qu’il avait vu le point brillant et avait rentré la tête en ses épaules comme une tortue en sa carapace, dont bien lui prit.

« Triple corne de cocu ! grogna une voix rauque, qui n’était autre que celle de La Râpée, j’ai manqué mon coup.

— Un peu, mon petit, répondit Hérode, je suis pourtant assez gros ; il faut que tu sois diantrement maladroit ; mais toi, pare celle-là. »

Et le Tyran leva un gourdin attaché à son poignet par un cordon de cuir, arme peu noble, mais qu’il maniait avec une dextérité admirable, ayant longtemps, en ses tournées, pratiqué les bâtonnistes de