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LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.

Rouen. Le gourdin rencontra l’épée que le spadassin avait tirée de son fourreau, après avoir remis le pistolet inutile dans sa ceinture, et la fit voler en éclats comme verre, de sorte qu’il n’en demeura que le tronçon au poing de La Râpée. Le bout du gourdin lui atteignit même l’épaule et lui fit une contusion assez légère à la vérité, la force du coup ayant été rompue.

Les deux ennemis se trouvant face à face, car l’un descendait toujours et l’autre s’efforçait de monter, s’empoignèrent à bras-le-corps et tâchèrent de se précipiter dans le gouffre du fossé noir et béant sous eux. Quoique La Râpée fût un maraud plein de vigueur et d’adresse, une masse comme celle du Tyran n’était pas facile à ébranler. Autant eût valu essayer de déraciner une tour. Hérode avait entrelacé ses pieds sous le tronc de l’arbre, et il y tenait comme avec des crampons rivés. La Râpée, serré entre ses bras non moins musculeux que ceux d’Hercule, suait et soufflait d’ahan. Presque aplati sur le large buste du Tyran, il lui appuyait les mains sur les épaules, pour tâcher de se soustraire à cette formidable étreinte. Par une feinte habile, Hérode desserra un peu l’étau et le spadassin se haussa aspirant une large et profonde gorgée d’air, puis Hérode, le lâchant tout à coup, le reprit plus bas au défaut des flancs, et, l’élevant en l’air, lui fit quitter son point d’appui. Maintenant il suffisait au Tyran d’ouvrir les mains pour envoyer La Râpée faire un trou aux lentilles d’eau du fossé. Il ouvrit les mains toutes grandes et le bretteur tomba ; mais c’était un gaillard leste et robuste, comme nous