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UNE TÊTE DANS UNE LUCARNE.
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teurs qui voulaient tous entrer en même temps à la comédie, craignant, bien qu’ils eussent payé, de n’y trouver place. La réputation du capitaine Fracasse, vainqueur de Vallombreuse, grandissait d’heure en heure et prenait des proportions chimériques et fabuleuses ; on lui eût attribué volontiers les travaux d’Hercule et les prouesses des douze pairs de la table ronde. Quelques jeunes gentilshommes, ennemis du duc, parlaient de rechercher l’amitié de ce vaillant gladiateur et de l’inviter à faire carousse avec eux au cabaret, à six pistoles par tête. Plus d’une dame méditait un poulet, d’un tour galant, à son adresse, et avait jeté au feu cinq ou six brouillons mal venus. Bref, il était à la mode. On ne jurait plus que par lui. Il se souciait assez peu de ce succès qui le tirait de l’obscurité où il aurait voulu rester, mais il ne lui était pas possible de s’y soustraire ; il fallait le subir ; un moment, il eut la fantaisie de se dérober et de ne point paraître en scène. L’idée du désespoir qu’en aurait le Tyran, tout émerveillé des énormes recettes qu’il encaissait, l’empêcha de le faire. Ces honnêtes comédiens, qui l’avaient secouru en sa misère, ne devaient-ils pas profiter de la vogue inopinée dont il jouissait ? Aussi, se résignant à son rôle, il s’adapta son masque, boucla son ceinturon, drapa sa cape sur son épaule et attendit que l’avertisseur lui vînt dire que c’était son tour.

Les recettes étant belles et la compagnie nombreuse, Hérode, en directeur généreux, avait fait doubler le luminaire, de sorte que la salle resplen-