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EN FAMILLE.

vous dirai que ce prétendu capitaine Fracasse (tel est son emploi dans la troupe) cache sous son masque un noble visage, et sous son nom de théâtre un nom de race illustre.

— En effet, répondit le prince, je crois avoir entendu parler de cela. Il eût été étonnant qu’un comédien se risquât à cet acte téméraire de contrecarrer un duc de Vallombreuse, et d’entrer en lutte avec lui. Il faut un sang généreux pour de telles audaces. Un gentilhomme seul peut vaincre un gentilhomme, de même qu’un diamant n’est rayé que par un autre diamant. »

L’orgueil nobiliaire du prince éprouvait quelque consolation à penser que son fils n’avait point été navré par quelqu’un de bas lieu. Les choses reprenaient ainsi une situation régulière. Ce combat devenait une sorte de duel entre gens de condition égale, et le motif en était avouable ; l’élégance n’avait rien à souffrir de cette rencontre.

« Et comment se nomme ce valeureux champion, reprit le prince, ce preux chevalier défenseur de l’innocence ?

— Le baron de Sigognac, répondit Isabelle d’une voix légèrement tremblante, je livre son nom sans crainte à votre générosité. Vous êtes trop juste pour poursuivre en lui le malheur d’une victoire qu’il déplore.

— Sigognac, dit le prince, je pensais cette race éteinte. N’est-ce pas une famille de Gascogne ?

— Oui, mon père, son castel se trouve aux environs de Dax.