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ORTIES ET TOILES D’ARAIGNÉE.

Pierre, à Bayard et à Béelzébuth, Miraut partit comme un trait et se mit à aboyer de telle sorte devant le vieux serviteur assis dans la cuisine, que celui-ci comprit qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire.

« Est-ce que le jeune maître reviendrait ? » se dit Pierre en se levant et en marchant à la suite de Miraut, qui le tirait par le pan de son sayon. Comme la nuit s’était faite, Pierre avait allumé au foyer où cuisait son frugal souper un éclat de bois résineux, dont, à l’entrée du chemin, la fumée rougeâtre illumina tout à coup Sigognac et son cheval.

« C’est vous, monsieur le baron, s’écria joyeusement le brave Pierre à la vue de son maître ; Miraut me l’avait déjà dit en son honnête langage de chien ; car nous sommes si seuls ici que, bêtes et gens ne parlant qu’entre eux, finissent par se comprendre. Cependant n’ayant point été averti de votre retour, je craignais de me tromper. Attendu ou non, soyez le bienvenu dans votre domaine ; on tâchera de vous fêter le mieux possible.

— Oui, c’est bien moi, mon bon Pierre, Miraut ne t’a pas menti ; moi, sinon plus riche, du moins sain et sauf ; allons, marche devant avec ta torche et rentrons au logis. »

Pierre, non sans effort, ouvrit les battants de la vieille porte, et le baron de Sigognac passa sous le portail éclairé d’une manière fantastique par les reflets de la torche. À cette lueur les trois cigognes sculptées sur le blason à la voûte parurent s’animer et palpiter des ailes comme si elles eussent voulu sa-