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HYMEN, Ô HYMÉNÉE !

le jeune duc entrait dans le salon le teint brillant, l’œil vif, la démarche assurée et légère, avec cet air de gloire qu’il avait avant sa blessure ; il jeta son feutre à plume sur un fauteuil et prit la main de sa sœur qu’il porta à ses lèvres d’une façon aussi respectueuse que tendre.

« Chère Isabelle, je suis resté plus longtemps que je ne l’aurais voulu, car ce m’est une grande privation de ne pas vous voir, tant j’ai vite pris la douce habitude de votre présence ; mais je me suis bien occupé de vous pendant mon voyage et l’espoir de vous faire plaisir me dédommageait un peu.

— Le plus grand plaisir que vous eussiez pu me faire, répondit Isabelle, c’eût été de demeurer au château près de votre père et de moi, et de ne pas vous mettre en route, votre blessure à peine fermée, pour je ne sais quelle fantaisie.

— Est-ce que j’ai été blessé ? dit en riant Vallombreuse ; ma foi, s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guère. Je ne me suis jamais mieux porté, et cette petite excursion m’a fait beaucoup de bien. La selle me vaut mieux que la chaise longue. Mais vous, bonne sœur, je vous trouve un peu maigrie et pâlie ; vous seriez-vous ennuyée ? Ce manoir n’est pas gai et la solitude ne convient pas aux jeunes filles. La lecture et la broderie sont des passe-temps mélancoliques à la longue, et il y a des instants où la plus sage, lasse de regarder par la fenêtre l’eau verte du fossé, aimerait à voir le visage d’un beau cavalier.

— Que vous êtes fâcheusement badin, mon frère,