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LE CAPITAINE FRACASSE.

et comme vous aimez à taquiner ma tristesse par vos folies ! N’avais-je pas la compagnie du prince, si aimablement paternel et abondant en paroles instructives et sages ?

— Sans doute, notre digne père est un gentilhomme accompli, prudent au conseil, hardi à l’action, parfait courtisan chez le roi, grand seigneur chez lui, docte et disert en toutes sortes de sciences ; mais le genre d’amusement qu’il procure est un amusement grave, et je ne veux pas que ma chère sœur consume sa jeunesse d’une façon solennelle et maussade. Puisque vous n’avez pas voulu du chevalier de Vidalinc ni du marquis de l’Estang, je me suis mis en quête, et, dans mes voyages, j’ai trouvé votre affaire : un mari charmant, parfait, idéal, dont vous raffolerez, j’en suis sûr.

— C’est une cruauté, Vallombreuse, de me persécuter de ces plaisanteries. Vous n’ignorez pas, méchant frère, que je ne veux point me marier ; je ne saurais donner ma main sans mon cœur, et mon cœur n’est plus à moi.

— Vous changerez de langage quand je vous présenterai l’époux que je vous ai choisi.

— Jamais, jamais, répondit Isabelle d’une voix altérée par l’émotion ; je serai fidèle à un souvenir bien cher, car je ne pense pas que votre intention soit de forcer ma volonté.

— Oh ! non, je ne suis pas tyrannique à ce point ; je vous demande seulement de ne pas repousser mon protégé avant de l’avoir vu. »

Sans attendre le consentement de sa sœur, Vallom-