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HYMEN, Ô HYMÉNÉE !

breuse se leva et passa dans le salon voisin. Il en revint aussitôt amenant Sigognac, à qui le cœur battait bien fort. Les deux jeunes gens, se tenant par la main, restèrent quelque temps arrêtés sur le seuil, espérant qu’Isabelle tournerait les yeux de leur côté, mais elle les baissait modestement, regardant la pointe de son corsage et pensant à cet ami qu’elle ne soupçonnait pas si près d’elle.

Vallombreuse, voyant qu’elle ne prenait point garde à eux et retombait dans sa rêverie, avança de quelques pas vers sa sœur, conduisant le Baron par le bout des doigts comme on mène une dame à la danse, et fit un salut cérémonieux que répéta Sigognac. Seulement Vallombreuse souriait et Sigognac pâlissait. Brave avec les hommes, il était timide avec les femmes, comme tous les cœurs généreux.

« Comtesse de Lineuil, dit Vallombreuse d’un ton légèrement emphatique et comme outrant à dessein l’étiquette, permettez-moi de vous présenter un de mes bons amis que vous accueillerez favorablement, je l’espère : le baron de Sigognac. »

À ce nom, qu’elle prit d’abord pour une raillerie de son frère, Isabelle tressaillit pourtant et jeta un coup d’œil rapide au nouveau venu. Reconnaissant que Vallombreuse ne la trompait point, elle ressentit une émotion extraordinaire. D’abord elle devint toute blanche, le sang affluant au cœur ; puis, la réaction se faisant, une rougeur aimable lui couvrit comme un nuage rose le front, les joues, et ce qu’on entrevoyait de son sein sous la gorgerette. Sans dire un mot, elle