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LE CAPITAINE FRACASSE.

quence, et résolut de ne pas se coucher. Allumant toutes les bougies qui se trouvaient dans sa chambre, il ouvrit sa porte de façon à ce qu’une masse de clarté se projetât sur la muraille opposée du corridor à l’endroit même où donnait l’huis d’Isabelle ; puis il s’assit tranquillement après avoir tiré son épée ainsi que sa dague, pour les avoir prêtes à la main s’il arrivait quelque chose. Il attendit longtemps sans rien voir. Déjà deux heures avaient sonné au carillon de la Samaritaine et à l’horloge plus voisine des Grands-Augustins, lorsqu’un léger frôlement se fit entendre, et bientôt dans le cadre lumineux découpé sur le mur apparut incertain, hésitant et l’air fort penaud le premier individu, qui n’était autre que Mérindol, l’un des bretteurs du duc de Vallombreuse. Sigognac se tenait debout sur le seuil, l’épée au poing, prêt à l’attaque et à la défense, avec une mine si héroïque, si fière et si triomphante que Mérindol passa sans mot dire et baissant la tête. Les trois autres, venant à la file et surpris par ce flot de brusque lumière au centre de laquelle flamboyait terriblement le Baron, s’esquivèrent le plus lestement qu’ils purent, et même le dernier laissa tomber une pince, destinée sans doute à forcer la porte du capitaine Fracasse pendant son sommeil. Le Baron les salua d’un geste dérisoire, et bientôt un bruit de chevaux qu’on tirerait de l’écurie se fit entendre dans la cour. Les quatre coquins, leur coup manqué, détalaient à toute bride.


Au déjeuner, Hérode dit à Sigognac : « Capitaine,