Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
LE PONT-NEUF.

la curiosité ne vous point-elle pas d’aller visiter un peu cette ville, une des principales de ce monde, et dont on fait tant de récits ? Si cela vous est agréable, je vous servirai de guide et de pilote, connaissant de longue main, pour les avoir pratiquées en mon adolescence, les récifs, écueils, bas-fonds, Euripes, Charybdes et Scyllas de cette mer périculeuse aux étrangers et provinciaux. Je serai votre Palinurus, et ne me laisserai point choir le nez dans l’onde, comme celui dont parle Virgilius Maro. Nous sommes ici tout portés pour voir le spectacle, le Pont-Neuf étant pour Paris ce qu’était la voie Sacrée pour Rome, le passage, rendez-vous et galerie péripatétique des nouvellistes, gobe-mouches, poëtes, escrocs, tire-laines, bateleurs, courtisanes, gentilshommes, bourgeois, soudards et gens de tous états.

— Votre proposition m’agrée fort, brave Hérode, répondit Sigognac, mais prévenez Scapin qu’il reste à l’hôtel, et de son œil de renard surveille les allants et venants dont les façons ne seraient pas bien claires. Qu’il ne quitte pas Isabelle. La vengeance de Vallombreuse rôde autour de nous, cherchant à nous dévorer. Cette nuit j’ai revu les quatre marauds que nous avons si bien accommodés en la ruelle de Poitiers. Leur dessein était, je l’imagine, de forcer ma porte, de me surprendre au milieu de mon sommeil et de me faire un mauvais parti. Comme je veillais avec l’idée de quelque embûche à l’endroit de notre jeune amie, leur projet n’a pu s’effectuer, et, se voyant découverts, ils se sont sauvés dare dare sur leurs chevaux, qui les at-