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LE CAPITAINE FRACASSE.

rapide, encadraient comme deux coulisses la scène animée que présentait la rivière sillonnée de barques allant d’un bord à l’autre, obstruée de bateaux amarrés et groupés près de la berge, ceux-là chargés de foin, ceux-ci de bois et autres denrées. Près du quai, au bas du Louvre, les galiotes royales attiraient l’œil par leurs ornements sculptés et dorés et leurs pavillons aux couleurs de France.

En ramenant le regard vers le pont, on apercevait par-dessus les faîtes aigus des maisons semblables à des cartes appuyées l’une contre l’autre, les clochetons de Saint-Germain-l’Auxerrois. Ce point de vue suffisamment contemplé, Hérode conduisit Sigognac devant la Samaritaine.

« Encore que ce soit le rendez-vous des nigauds qui restent là de longs espaces de temps à attendre que le clocheteur de métal frappe l’heure sur le timbre de l’horloge, il y faut aller et faire comme les autres. Un peu de badauderie ne messied point au voyageur nouveau débarqué. Il y aurait plus de sauvagerie que de sagesse à mépriser avec rebuffades sourcilleuses ce qui fait le charme du populaire. »

C’est en ces termes que le Tyran s’excusait près de son compagnon pendant que tous deux faisaient pied de grue au bas de la façade du petit édifice hydraulique, et regardaient, attendant aussi que l’aiguille arrivât à mettre en branle le joyeux carillon, le Jésus de plomb doré parlant à la Samaritaine accoudée sur la margelle du puits, le cadran astronomique avec son zodiaque et sa pomme d’ébène marquant le cours du