— Ah ! derrière le piano à queue ? C’est la dame de compagnie de Prascovia, un de ces êtres dont l’existence est parfaitement inutile, insignifiante et incolore, qui n’ont rien, n’aspirent à rien, ne pensent à rien ; une comparse dans la vie, qui entre et sort sans avoir rien compris à la pièce qui se joue. Elle tient compagnie : cela consiste à s’asseoir ici ou là, un ouvrage de broderie à la main, et à ne rien dire pendant de longues heures. C’est quelque chose comme un meuble.
— Et celui qui s’accoude là-bas, au socle d’une statue de marbre ? Clélia lui parle.
— Face cramoisie, plus large que haute ; cou débordant sur le collet de l’habit, cheveux très-rares sur un crâne énorme : c’est le fameux général de W… ; défiez-vous de lui, Clélia le comble d’attentions, et il songe très-sérieusement à l’épouser.
— Est-ce donc ainsi, chez les seigneurs ? dit André, une femme jeune et belle comme une fée pourrait épouser un vieillard ridicule, sans soulever l’indignation autour d’elle ?
— C’est comme cela, mon ami. Mais voyez donc, Mme Prascovia est hors d’elle-même, il paraît que la belle Clélia va sur ses brisées.
— Cette dame a-t-elle donc encore des prétentions ?
— Je le crois bien, elle n’est pas mal, d’ailleurs.