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les cruautés de l’amour

Grâce à la bonne disposition de son esprit il s’amusa de tout : des portes qui geignaient, ne voulant se laisser ni ouvrir ni fermer, du carrelage d’un rouge éclatant qui sonnait sous les galoches de l’hôtesse comme les dalles d’une église, des bouquets de fleurs en papier qui flanquaient sur la commode un petit Jésus de cire jaune, couché dans sa crèche. Il lut avec intérêt les légendes des gravures extraordinaires qui ornaient les murs. C’étaient : La puce à l’oreille, — N’éveillez pas le chat qui dort, — Ils s’aimoient et ils se le disoient, etc.

En se regardant dans un miroir bordé de faux acajou, il eut un moment d’indicible effroi, tant son visage agréable d’ordinaire lui parut boursouflé et extravagant. Il reconnut heureusement l’infidélité du miroir, et un fou rire le jeta sur le velours d’Utrecht jaune et râpé d’un vieux fauteuil dont la dureté inattendue le surprit douloureusement.

Puis il alla visiter la campagne, il s’ébahit devant le moindre buisson, s’arrêta longtemps devant une haie fleurie sur laquelle chantait un pinson qu’il prit pour un rossignol.

Une chèvre attachée à un pieu le tint un quart d’heure en admiration ; il suivait des yeux l’étroit sentier ondoyant à travers les blés, et l’idée de se fixer pour jamais aux champs traversait vaguement son esprit. Lorsque la cloche de l’église sonna