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les cruautés de l’amour

lentement l’Angelus, il pleura d’attendrissement.

Cependant ces félicités durèrent peu. Après quelques jours d’enthousiasme, Maurice s’avoua que la nature était assez monotone, et il tourna mélancoliquement ses regards vers Enghien.

— J’ai envie d’entendre un peu de musique, se dit-il pour s’excuser.

Et il s’habilla avec soin, alluma un cigare, puis se mit en route.

Il faisait très-chaud sous le grand soleil réverbéré par la poussière blanche du chemin. Maurice marchait lentement, cherchant l’ombre et regardant distraitement les passants.

Il rencontra des enfants, montés sur des ânes qu’un ânier harcelait de sa trique ; des fillettes en blanc avec un vilain bonnet et un voile de mousseline, des communiantes sans doute. Mais, arrivé au pont du chemin de fer, il se croisa avec une jeune fille dont la beauté le frappa.

Elle était accompagnée par une bonne qui portait un grand panier.

— Qu’elle est charmante ! se dit-il en se retournant pour la voir encore. Il m’a semblé voir apparaître devant moi le type féminin ébauché confusément dans mes rêveries. Est-ce donc ainsi, au détour d’un chemin, à l’instant où l’on y pense le