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les cruautés de l’amour

sont, dans les étables bien closes, avec les moutons, les pourceaux, les volailles ; les garçons de ferme suffisent à tout. On va chercher du bois dans les environs, on transporte du fourrage dans quelque village voisin. André chasse.

— Et le soir, on raconte des histoires et des légendes, dit André, pendant qu’au dehors des loups hurlent tristement.

— Ils viennent donc si près d’ici ?

— Quelquefois, la nuit, ils traversent le village, dit André. On voit la trace de leurs pas, le lendemain, sur la neige. On raconte même que, pendant un hiver très-rude, un loup se glissa dans la cuisine d’une chaumière, et alla d’un air timide s’asseoir près du poêle.

— C’était chez Vacia, le charpentier, dit Fédor en soulevant ses sourcils, celui qui habite de l’autre côté de l’étang.

— À la vue de cet hôte inattendu, tout le monde demeura immobile de peur, continua André ; il était là, assis, la queue ramenée sur les pattes, ses poils roux tout hérissés de froid, les yeux flamboyants et ne bougeant pas. Les enfants se rassurèrent les premiers et eurent l’idée de pousser vers lui l’écuelle aux chiens. Le loup se recula d’abord craintivement, puis il revint et nettoya l’écuelle d’une seule lampée. Le lendemain, dès que l’on