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les cruautés de l’amour

railles, derrière lesquelles on était à l’abri de tout danger. Cependant le souvenir de ce beau jeune homme aux yeux fiers, prêt à la défendre contre une bande de carnassiers, la rassura un peu, et elle s’endormit.

Le lendemain elle demanda à visiter le village. André fit atteler un léger traîneau.

— Vous plaît-il que je vous conduise ? demanda-t-il à la jeune comtesse.

— Certes, dit-elle en s’installant dans l’étroit véhicule.

André lui jeta sur les jambes sa pelisse doublée d’ours noir, puis s’assit à côté d’elle, tandis que le garçon de ferme ouvrait la porte cochère à deux battants.

Le traîneau partit au grand galop.

Le ciel était d’un bleu léger semé de quelques nuages d’or, la neige étincelait au soleil, il faisait froid, mais il n’y avait pas un souffle de vent. Le traîneau enfila la principale rue du village. Elle était bordée d’isbas[1] pour la plupart assez misérables, mais que la neige lumineuse ou frappée d’ombres bleues et froides rendait charmantes. Quelques visages de femmes apparaissaient derrière les

  1. Cabanes de paysans.