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les cruautés de l’amour

élevée et soulevait la neige, qui bientôt tomba à gros flocons.

Clélia, à travers les vitres, la regardait tomber. Ainsi secouée par le vent, la neige semblait sale, couleur de cendre, elle tourbillonnait, fuyait, puis revenait dans un tumulte silencieux ; par moment elle paraissait remonter, puis l’œil fatigué ne savait plus distinguer si elle montait, descendait ou oscillait seulement en restant stationnaire. À une trouée, brusquement creusée par la bourrasque, l’illusion se dissipait.

Le soir vint ; après avoir longtemps attendu on se mit à table sans André.

Ivan, à son tour, baissait la tête, mais il ne parlait pas et cachait son inquiétude. À chaque instant Macha se signait et Catherine allait entre-bâiller la porte et prêtait l’oreille.

— Il neige toujours, disait-elle en revenant.

Clélia, elle aussi, prêtait l’oreille au moindre bruit ; ses remords lui revenaient, elle se sentait coupable et eût donné la moitié de sa fortune pour voir le jeune homme apparaître dans l’encadrement de la porte.

Tout à coup, elle tressaillit.

— J’entends quelque chose ! dit-elle.

Tous retinrent leur souffle.

Le bruit, amorti par la neige, du galop d’un