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les cruautés de l’amour

plage ; milady se releva tout à coup, et me saisit la main.

— Écoutez, dit-elle, en ouvrant tout grands ses beaux yeux.

Je prêtai l’oreille à un bruit lointain et régulier que nous apportait la brise, je pâlis ; toutes mes terreurs me revenaient. Nous montâmes sur la dune, et m’agenouillant, je collai mon oreille à terre pour mieux entendre.

— On dirait un galop de cheval, m’écriai-je.

— De plusieurs chevaux même, dit milady.

Nous écoutâmes encore, c’étaient bien des chevaux qui galopaient et se rapprochaient rapidement.

— Nous sommes perdus, cette fois ! soupirai-je.

— Défendons-nous, au moins, dit milady.

Nous prîmes chacun un pistolet et un rasoir, et nous remontâmes sur nos arbres, tirant, milady son échelle, et moi ma corde. Nous attendîmes, bientôt un hennissement se fit entendre. Il n’y avait pas de doutes à conserver, une troupe de cavaliers s’avançaient, nous apercevions déjà dans le soleil qui embrasait la lande, un groupe formidable plein de points brillants et d’éclairs d’acier. Anxieux, nous retenions notre souffle, les pistolets armés tremblaient dans nos mains, et nos yeux s’écarquillaient pour compter le nombre de nos