Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/12

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Il se fait d’ailleurs d’étranges revirements dans les réputations, et les auréoles changent souvent de tête. Après la mort, des fronts illuminés s’éteignent, des fronts obscurs s’allument. Pour les uns, la postérité, c’est la nuit qui vient ; pour d’autres, c’est l’aurore !

Qui croirait aujourd’hui que Chapelain a passé pendant de longues années pour le plus grand poëte, non-seulement de France, mais du monde entier ; et qu’il fallait être la duchesse de Longueville pour trouver la Pucelle légèrement soporifique, et cela du temps même de Corneille, de Racine, de Molière, de La Fontaine !

Madame de Sévigné et sa coterie, composée des plus grands seigneurs et des plus beaux esprits, ne préférait-elle pas ouvertement Pradon à l’auteur de Phèdre et d’Andromaque ?

Pouvons-nous admettre que tant d’illustres personnages, dont quelques-uns se piquaient d’écrire et réussissaient, n’avaient pas le sens commun, et se laissaient séduire par des impertinences et des platitudes ?

En s’habituant au commerce de ces auteurs de troisième ordre, dédaignés ou tombés en désuétude, on finit par se remettre au point de vue de l’époque, non sans quelque difficulté, et l’on arrive à comprendre