Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/13

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jusqu’à un certain point les succès qu’ils ont obtenus, et qui paraissent tout d’abord inexplicables. — Beaucoup moins soucieux de la pureté classique que les écrivains de premier ordre, ils donnent dans leurs compositions une bien plus large place à la fantaisie, au caprice régnant, à la mode du jour, au jargon de la semaine, choses qui vieillissent promptement ; et si rien n’est plus beau que l’antique, rien n’est plus laid que le suranné : c’est une vérité dont on peut se convaincre en regardant les gravures de modes de il y a dix ans ; le ridicule de ces accoutrements, qui nous saute tout de suite aux yeux, n’était alors senti par personne, et les gens qui les portaient se trouvaient en conscience les plus élégants du monde.

Il en est de même en littérature ; des écrivains obtiennent des vogues temporaires qu’on a de la peine à s’expliquer quelques années plus tard, et la réaction qui se fait contre eux est ordinairement injuste. Le génie seul est éternel, le talent est transitoire. Ce n’est pas à dire pour cela qu’il faille dédaigner le talent, car il est encore assez rare pour qu’on en tienne compte.

Et puis, il faut le dire, le monde vieillit. Toutes les idées simples, tous les magnifiques lieux communs, tous les thèmes naturels ont été employés il y a déjà