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Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/155

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gorges chaudes, les autres les prenaient au sérieux, selon qu’ils avaient plus ou moins de littérature ou de goût. Le père Pierre de Saint-Louis, du reste, ne semble pas attacher une grande importance à ce qu’on pensait de son livre, si l’on doit ajouter foi à ce qu’il dit dans sa préface, où se trouve ce quatrain :


Ce livre est à la bonne foi ;
Mais au reste, si tu t’en fâches,
Je veux bien, lecteur, que tu saches
Qu’il n’a pas été fait pour toi.


Cependant, malgré toute cette belle modération apparente, l’orgueil du bon père était aussi irritable qu’un autre. Il montra le premier chant à Balthazar de Vias, célèbre poète latin de ce temps-là, qui en fit devant les religieux les plus outrés éloges, et s’en moqua de la manière la plus impitoyable dans les sociétés de Marseille, et particulièrement chez M. de Ruffi. On rapporta cette palinodie au père Pierre de Saint-Louis, qui, pour s’en venger, fit l’anagramme du nom patoisé de Balthazar de Vias, Baoutaza de Vias, en ces termes : Dia uro, aze basta ! (marche droit, âne bâté !) et la lui envoya. Balthazar répondit par un joli billet latin que voici :


« Asinus clitellarius Petro carmelitæ asinario suo salutem.

« Ita est, Petre carmelita optime, neque enim ire inficias possum, poema tuum egregium, alterum Eneida, midius tertius irrisi apud Ruffum cænans. Hoc mihi ignoscas velim, quamquam ego minime hic in culpa