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Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/162

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si sensible à la beauté des femmes que, pour n’être point tenté, il s’en allait par les rues les yeux fermés, ce qui l’exposait aux chocs les plus désagréables et mettait souvent sa vie en danger : aussi fût-ce pour une peine d’amour, comme nous l’avons dit, qu’il quitta le monde et se jeta dans le cloître.

Le père Groslier se trouva bien seul quand on eut emporté au cimetière son inséparable. Depuis le jour où ils s’étaient connus ils ne s’étaient pas éloignés une fois l’un de l’autre. Amitié touchante et respectable ! Le père Groslier mourut à Lyon, dans un âge très-avancé, parlant toujours de son ami les larmes aux yeux, et c’est à lui qu’on doit la plupart des détails qui remplissent cette notice. Il n’a voulu les donner à celui qui les lui demandait qu’à condition qu’on ne s’en servirait point pour tourner en ridicule celui qui lui avait été le plus cher au monde ; et, chose remarquable, il mourut le lendemain même qu’il eut remis les notes, comme s’il n’avait plus rien à faire au monde après avoir assuré la mémoire de son ami contre l’oubli des hommes et l’ignorance des biographes.

Maintenant que vous savez de point en point l’histoire du père Pierre de Saint-Louis, nous allons examiner, j’en demande bien pardon à l’ombre du père Groslier, les vers abracadabrans du poème de la Magdelaine, le seul de ses ouvrages qui nous soit parvenu.

C’est une singulière tête que la tête du père Pierre de Saint-Louis, et c’est une chose incroyable que la vigueur d’imagination qu’il a dépensée à trouver les plus mauvaises choses du monde. La Magdalenéide est dans son