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Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/23

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dans un poëte méconnu ; il me semble que sa pauvre ombre doit être consolée, et se réjouir de voir sa pensée enfin comprise ; c’est une réhabilitation que je fais, c’est une justice que je rends ; et si quelquefois mes éloges pour quelques poëtes obscurs peuvent paraître exagérés à certains de mes lecteurs, qu’ils se souviennent que je les loue pour tous ceux qui les ont injuriés outre mesure, et que les mépris immérités provoquent et justifient les panégyriques excessifs.

En lisant un de ces poëtes réputés mauvais sur le jugement d’un pédant de collége, on fait à chaque pas des rencontres pittoresques qui vous surprennent heureusement. C’est comme si, en parcourant une route qu’on vous aurait représentée toute blanche de soleil et de poussière, vous rencontriez çà et là de beaux arbres verts, des haies pleines de fleurs et de chansons, des eaux vives et des courants d’air parfumés ; toutes ces choses vous paraîtraient d’autant plus belles que vous y comptiez moins. Un écu trouvé dans la rue fait plus de plaisir qu’un louis dans un tiroir. Saint-Amant, Théophile, Du Bartas sont pleins de ces accidents-là. — Leurs pensées brillantes ressortent mieux que chez d’autres poëtes plus parfaits, sans doute à cause de l’infériorité du reste, comme le ciel de la nuit qui fait pailleter les étoiles invisibles en plein midi.

Maître François Villon, auteur du Petit et du Grand Testament, malgré Étienne Pasquier, Antoine Du Verdier et quelques autres pédants, malgré l’oubli, ou plutôt la désuétude où il est tombé à cause de son vieux langage et de l’obscurité de ses allusions, est un de ceux de