Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/265

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d’état de faire passer du drap puce pour du noir, du vieux pour du neuf, trois quarterons pour une livre ; il est évident qu’il ne se portera pas volontiers à lire Cujas et Barthole, et qu’il sera plus souvent dupé que dupeur, et cela t’ouvre les entrailles, honnête père !

Ce que j’ai dit de la poésie s’applique aussi à la peinture, également redoutée des aïeux ; la misère des peintres étant en quelque sorte proverbiale, c’est pour cela que presque toutes les biographies de poètes ou d’artistes commencent fatalement par le récit des persécutions paternelles.

Eh bien ! une seule fois, depuis le glorieux jour où Adam s’est marié avec Ève, il s’est trouvé des parents qui souhaitaient d’avoir un enfant poète, et le destin goguenard, qui se plaît à contrarier les desseins des hommes en général et des pères en particulier, leur a donné pour fils Jean Chapelain, auteur de la Pucelle. — Sarcasme gigantesque ! — sanglante ironie de la nature !

Jean Chapelain naquit à Paris, le 4 décembre 1569, sur la paroisse de Saint Méry, de Sébastien Chapelain et de Jeanne Corbière, fille d’un certain Michel Corbière, ami particulier de Ronsard. — Son père était notaire au Châtelet, d’une bonne famille d’auprès de Tréguier, en Basse-Normandie, et dont personne n’a jamais contesté la noblesse ; un cadet de cette famille, après avoir honorablement servi le roi François Ier, vint prendre alliance et s’établir en Beauce.

Jeanne Corbière tout éblouie encore des splendeurs flamboyantes de l’auréole de Ronsard et frappée des hon-