Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/267

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près l’angle externe des yeux, ce qui indique l’absence du sentiment de la couleur ; les paupières sont molles et diffuses ; le regard est triste, un peu éteint ; la chair des joues martelée de petits plans, le nez majestueux et presque royal. Quant à la bouche, qui est assez éloignée du nez, elle est très-fine à la lèvre supérieure, plus grasse à l’inférieure, et aucune sinuosité ne la sépare du menton. Il y a une vague ressemblance entre le bas de cette figure et celle du cardinal de Richelieu, mais le haut n’est pas illuminé de rayons et d’éclairs, et l’on n’y voit pas flamboyer les deux jaunes prunelles d’aigle. Une grande perruque in-folio descend comme une cascade de cheveux le long de ces deux pâles joues. — Cette perruque, il faut le dire, ne répond pas à l’idée qu’on a de la perruque de Chapelain sur les mauvaises plaisanteries rimées du sieur Furetière : elle est ample, ondoyante, bien frisée et digne de marcher entre les plus illustres perruques ; la perruque de Racine, ou de M. Arnaud d’Andilly lui-même, n’ont pas assurément meilleure façon. Une petite calotte couvre le haut du crâne, suivant une mode commune alors aux prêtres et aux personnes du siècle. Un manteau de couleur sombre se drape sur l’épaule avec noblesse et simplicité. — Il n’y a rien là qui sente l’avarice et la lésine ; c’est la mise d’un homme du monde d’un certain âge, élégante, sans recherche de petit-maître et tout à fait convenable pour un savant.

Chapelain ayant perdu son père hésitait sur le parti qu’il avait à prendre et ne savait trop à quoi se résoudre. Monseigneur de Sourdeac, évêque de Laon, qui l’aimait et appréciait ses talents, le fit mettre auprès du jeune