Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/27

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apparemment Villon était incorrigible, car nous voyons que Louis XI, à son retour de Flandre, le fait, par grâce expresse, sortir des prisons de Meun, où l’évêque Thibault d’Aussigny le retenait pour quelque vol de sacristie ; il en avait fait son deuil, et s’était composé une épitaphe monorime et bouffonne que voici :


Je suis François (dont ce me poise)[1],
Né de Paris, emprès Pontoise.
Or, d’une corde d’une toise,
Sçaura mon col que mon cul poise[2]


On voit qu’il se souciait assez peu de servir ou non de pendant d’oreille à madame Potence ; il avait même rimé une admirable ballade où il se représente, par anticipation, comme effectivement branché avec cinq ou six de sa bande.


La pluye nous a buez[3] et lavez ;
Et le soleil desséchez et noirciz.
Pies, corbeaulx, nous ont les yeux cavez
Et arraché la barbe et les sourcilz.
Jamais nul temps nous ne sommes rassiz :
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
À son plaisir sans cesser nous charrie ;
Plus becquetez[4] d’oiseaux que dez à couldre.
Hommes, icy n’usez de mocquerie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre.


Il en parle en connaisseur, il sait sa potence à fond, et

  1. Ce qui me chagrine.
  2. Pèse.
  3. Lessivés.
  4. Picotés par les becs des oiseaux, comme les dés le sont par le cul de l’aiguille.