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Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/26

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bouche aux gros mots, qui va au cabaret et même ailleurs, et qui ne se ferait pas scrupule de mettre votre bourse dans sa poche ; car, je dois l’avouer, Villon était passé maître en l’art de la pince et du croc, et parlait argot, pour le moins, aussi bien que français ; notre poëte était un joyeux drôle :


Sentant la hart de dix lieues à la ronde ;
Au demeurant, le meilleur fils du monde.


On comprend que cette vie libertine et vagabonde a dû nécessairement déteindre sur son talent, et lui donner une physionomie particulière : aussi a-t-il une couleur nette et franche qui le distingue des autres poëtes, aussi a-t-il mérité que Régnier l’imitât dans sa magnifique satire du mauvais lieu.

La seule trace que Villon ait laissée dans l’histoire, c’est un arrêt qui le condamnait à être pendu avec cinq ou six bons compagnons de son espèce. Bien lui en prit de ne pas avoir la pépie, comme il le dit lui-même : il appela de la sentence du Châtelet au Parlement, et sa peine fut commuée en un bannissement pur et simple ; il se setira, à ce que l’on prétend,


À Sainct-Genou,
Près Sainct-Julian-des-Vouentes,
Marches de Bretaigne ou Poictou,


où sont filles belles et gentes, chose indispensable pour un damné libertin comme l’était Villon.

Il mène à Sainct-Genou la même vie qu’à Ruel et à Paris, théâtre ordinaire de ses exploits. Tout autre, après avoir vu la potence de si près, se serait corrigé ;