Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Certes, voilà une respectable nomenclature, et en vérité la France ne se doute guère des richesses qu’elle possède : or ne voilà pas moins, ou peu s’en faut, d’une douzaine de poèmes épiques, et je ne sache guère de nation qui puisse en citer autant. — Il faut considérer, en outre, qu’il n’est fait mention ici que des ouvrages parus pendant le temps que le brave Chapelain a employé pour armer de toutes pièces sa massive Pucelle ; car à partir de la Franciade de Ronsard jusqu’à la Henriade de Voltaire, on en trouverait bien encore deux ou trois autres douzaines.

— Pauvre Jeanne Corbière ! ton fils, comme tu le souhaitais, a bien eu la gloire du Vendômois, mais il ne l’a pas emportée dans la tombe, et il lui a survécu ; la muse n’a pas baisé ses doctes lèvres, et l’amour s’est vengé de la harangue injurieuse qu’il a prononcée contre lui en pleine Académie, en ordonnant au trio des Grâces de le fuir à tout jamais. — Le malheureux, si savant en poétique, a pu faire, sur Agnès Sorel, l’adorable châtelaine du château de Beauté, sur Agnès Sorel, dont le nom seul est une musique, soixante ou quatre-vingts vers plus criards que des scies ou que des geais plumés tout vifs, plus rocailleux que la Sierra-Morena, et où les mots sont accouplés d’une manière si hétéroclite que l’on ne sait plus si c’est du haut allemand ou du théotisque !

— La dureté du style de la Pucelle est inimaginable. Ce n’est pas une note qui détonne quelquefois, ou un son qui heurte un son, c’est une dureté perpétuelle, complète et telle qu’on la croirait cherchée ; c’est une espèce d’harmonie inharmonique, si l’on peut s’exprimer ainsi,