Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/287

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véritable héros vivant ou tout au moins un héros taillé dans l’albâtre ou le jaspe, n’est qu’une grossière académie de terre cuite. — L’air aussi est de pierre, et je m’étonne comme ces lourdes épées, que les combattants agitent avec de si furieux efforts, peuvent parvenir à le diviser sans voler en éclats. — Les petits ruisseaux qui tombent des rochers ont l’air de stalactites plutôt que d’eaux molles et pénétrables, le feuillage des arbres semble fait avec du fer blanc, et les anémones couleur de sang qui diaprent les gazons tondus de près et tirés au cordeau paraissent montées sur des fils d’archal. — Le bruit des marteaux des Cyclopes devait être, en comparaison de ce style et de cette harmonie, la plus délicieuse musique du monde ; les raides et informes ébauches de la peinture byzantine sont des chefs-d’œuvre de grâce et de souplesse à côté des coriaces silhouettes frappées à l’emporte-pièce du brave Jean Chapelain. Du moins l’œil y est-il réjoui par la beauté des outremer et des laques et la richesse des fonds d’or mat ou bruni, compensation qui n’existe pas dans la Pucelle.

Ô pauvre Agnès Sorel, ô charmante amoureuse d’un roi jeune et beau, quels vers ce misérable savant a commis à propos de toi ! — Avec ses grosses mains rouges il plaque stupidement contre tes délicates tempes d’ivoire tes souples cheveux blonds dont il fait une perruque à la Louis XIV ; il transforme tes yeux clairs et transparents en une espèce d’officine où de gros amours pansus forgent des traits et des broches pour enfiler les cœurs comme des mauviettes ou des becfigues. Il fait disparaître l’incarnat divin de tes belles joues sous un fard grossier cou-