Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/293

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zarre dont il ne s’avisât, et qu’enfin il ne fît plus que des efforts de misérable pédant qui prend les contorsions de son esprit pour de l’art, son froid orgueil pour de la capacité, et ses recherches hétéroclites pour du sublime.

« Et je voyois que tout cela ne lui seroit point arrivé s’il avoit ignoré l’admiration qu’on avoit d’avance pour son poème.

« Je voyois que Chapelain, moins estimé, seroit devenu plus estimable, car, dans le fond, il avoit beaucoup d’esprit, mais il n’en avoit pas assez pour voir clair à travers tout l’amour-propre qu’on lui donna, et ce fut un malheur pour lui d’avoir été mis à une si forte épreuve que bien d’autres que lui n’ont pas soutenue.

« Aussi il n’y a guère que les hommes absolument supérieurs qui se soutiennent et qui profitent, parce qu’ils ne prennent jamais de ce sentiment d’amour-propre que ce qu’il en faut pour encourager leur esprit. »


Ce n’est pas qu’il n’y ait quelquefois dans la Pucelle de beaux vers simples et graves, et dignes d’être en meilleure compagnie. — Ceux-ci, qui se trouvent au livre premier, sont assurément fort beaux :


Loin des murs flamboyants qui renferment le monde,
Dans le centre caché d’une clarté profonde,
Dieu repose en lui-même et vêtu de splendeur,
Sans bornes est rempli de sa propre grandeur.
Une triple personne en une seule essence,
Le suprême pouvoir, la suprême science,