Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et que chacune d’elles a au moins quinze cents vers. L’Alaric, à lui seul, en contient onze mille. Boileau a donc pu dire, avec vérité, qu’il enfantait sans peine un volume chaque mois. L’Illustre Bassa, le grand Cyrus, parurent sous le nom de Georges de Scudéry, gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde et capitaine entretenu sur les galères du roi, comme il ne faillait jamais à le mettre. Il n’y a de lui que les préfaces et les épîtres dédicatoires, et le seul travail qu’il y fît c’était de revoir les épreuves. À la fin il en était venu à croire que c’était réellement lui qui avait fait les romans de sa sœur, et il entrait dans les plus belles fureurs du monde quand on lui soutenait le contraire : cela donna lieu à de plaisantes querelles.

Ayant été obligé de se retirer à Granville, en Normandie, à cause de je ne sais quelle petite intrigue pour M. le Prince, il rencontra, chez madame de l’Épinay-Miron, mademoiselle Marie-Françoise de Moncel de Martin-Wast, qui s’éprit de belle passion pour lui et qu’il épousa. Il eut de ce mariage un garçon fort joli et fort spirituel qui se fit abbé. Madame de Scudéry, demeurée veuve à trente-six ans, ne se remaria pas, et vécut à Paris, où elle mourut âgée de quatre-vingt-un ans en 1712. — Pour Scudéry il mourut aussi à Paris le 14 mai 1667. Il avait été reçu à l’Académie en 1650, en remplacement du puriste Vaugelas, traducteur de Quinte-Curce.

Avec tous ses ridicules, Scudéry avait de belles qualités ; il était fidèle dans ses amitiés et du commerce le plus sûr : il fit l’apologie de Hardy, son maître en l’art dramatique ; il édita complaisamment les œuvres de plusieurs