Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/359

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Du temps de Louis XIII, il régnait en littérature un goût aventureux, une audace, une verve bouffonne, une allure cavalière tout à fait en harmonie avec les mœurs des raffinés. On ne regardait de près ni aux mots, ni aux choses, pourvu que la touche fût franche, la couleur hardie et le dessin caractéristique. L’influence du cavalier Marin, de Lalli, de Caporali, de Quevedo, avait donné lieu à une foule de compositions burlesques où la singularité du fond le dispute au caprice de l’expression. On ferait un gros volume, rien que avec les titres de toutes ces œuvres que la réaction, en tête de laquelle se trouvaient Boileau et Racine, a fait rentrer dans un oubli profond, d’où les tire de loin en loin la curiosité d’un bibliophile ou d’un critique qui va chercher dans ce qu’on appelle les poetæ minores des traits de physionomie négligés par le large pinceau des talents de premier ordre. Paul Scarron est en quelque sorte l’Homère de cette école bouffonne, celui qui résume et personnifie le genre ; il possédait de son emploi jusqu’au physique. Byron, le chef de l’école satanique, avait le pied-bot comme le diable ; Scarron, chef de l’école burlesque, était contrefait et bossu comme une figure du Bamboche. Les déviations de ses vers se répétaient dans les déviations de son épine dorsale et de ses membres : les idées, comme les marteaux des orfèvres, repoussent la forme extérieure, et lui font prendre leurs creux et leurs saillies. Le nom de Scarron est à peu près le seul qui ait surnagé de toute cette bande, et de temps à autre on lit encore quelques pièces de lui. Ce n’est pas que parmi ses confrères, engouffrés sans retour dans l’eau noire de l’oubli, on ne