Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/416

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parodie en stances du Cid, qui commence ainsi :


Soyez nettes, mes dents, l’honneur vous le commande.


Mais le chef-d’œuvre de Scarron est à coup sûr le Roman comique, vrai modèle de naturel, de narration et d’originalité. Rien ne ressemble moins à l’Illustre Bassa, à la Clélie, à l’Oroondate, au Grand Cyrus et autres fadaises contemporaines. Si quelque chose peut en donner l’idée, ce sont les romans espagnols du genre dit picaresque, parmi lesquels on compte Lazarille de Tormes, Gusman d’Alfarache, el Diablo Cojuelo, et beaucoup d’autres.

L’action du Roman comique se passe aux environs du Mans, que Scarron avait visités, et qu’il décrit avec la sûreté et la facilité de touche d’un homme qui peint d’après nature. Les personnages ne sont pas moins finement indiqués que les lieux. Il semble qu’on assiste aux mésaventures de Ragotin, tant le détail est vrai, le geste sûr, et la scène nettement indiquée. Les caractères du comédien La Rancune, de l’avocat Ragotin, sont devenus des types. Le Destin, mademoiselle de l’Estoile et mademoiselle Lacaverne, vivent dans toutes les mémoires. Il n’est pas jusqu’à la grosse Bouvillon qui n’ait un cachet de réalité, si fermement empreint, qu’il semble qu’on l’ait connue. C’est d’ailleurs une excellente prose, pleine de franchise et d’allure, d’une gaieté irrésistible, très-souple et très-commode aux familiarités du récit, et, quoique plus portée au comique, ne manquant cependant pas d’une certaine grâce tendre et d’une certaine poésie aux endroits amoureux et romanesques. Mademoiselle de l’Estoile est