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Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/47

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figure qu’il a créée, il creuse les yeux, il arrache les sourcils, il laboure le front, il change les cheveux d’or en cheveux d’argent, il tire le nez sur la bouche, il fait avancer le menton vers le nez ; les belles lèvres vermeilles épanouies, comme des roses, ne sont plus que des peaux ridées et flétries ; les bras blancs et longs, qui se déployaient voluptueusement pour attirer leur proie, il les raccourcit et les fait remonter avec les épaules ; il décharne et marbre de rouge ces belles cuisses fermes et polies qu’il a décrites si complaisamment ; de la charmante jeune fille il nous fait plus qu’un spectre, — une vieille femme, — une vraie chevaucheuse de balai ; il jette à terre toutes les perfections qu’il a créées, et marche dessus avec un plaisir de damné ; on dirait qu’il se venge sur elle de la petite Macée d’Orléans, qui eut sa ceinture, comme il dit, et qui est très-mauvaise ordure ; de Catherine de Vaucelles, de Jeanneton, de Marion l’idolle, et autres telles créatures, dont il ne paraît pas avoir eu beaucoup à se louer.

Que pensez-vous qui suive cette terrible sortie ? des conseils de retourner à la vertu, ou quelque chose comme cela ? Nullement. — Des préceptes pour plumer un homme au vif et mettre à profit sa jeunesse.


Car vieilles n’ont ne cours ny estre[1],
Ne que monnoye qu’on descrie.


Il est vrai que ce serait peine perdue que de prêcher Blanche la Savatière, Guillemète, Catherine et Jeanneton ; ce serait jeter sa morale à des… filles.

  1. Valeur.