Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/68

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dronne ta fraise, sème-moi des rubans sur ce pourpoint un peu trop sévère, relève-moi un peu les coins de cette bouche qui fait la moue, essuie-toi les yeux, mon éternel pleurard, mon Cupidon-Héraclite ! plante une plume de trois pieds de haut à ton feutre ; mets-toi une grande épée au derrière ; jette le coin de ton manteau sur ton épaule ; cambre-toi ; assure-toi sur tes talons ; campe ta main sur ta hanche ; prends un air vainqueur et matamore, et je te réponds qu’Angélique te sautera au cou et te suivra au bout du monde, et même plus loin si tu l’exiges. Avec les femmes il n’y a que les honteux qui perdent : elles aiment les vaillants et veulent qu’on les prenne d’assaut. — Ferrum est quod amant : cela était vrai avant Juvénal, et l’est toujours depuis. — Scalion est la caricature de la galanterie de ce temps : c’est un grand seigneur, un gentilhomme qui daigne faire des vers lui-même, et qui les fait, il faut le dire, en véritable gentilhomme qu’il est ; il ne livre son œuvre au public que sur la sollicitation pressante de quelques amis qui le supplient en grâce de ne point méchamment priver le monde d’une si admirable chose. Ses vers ne sont peut-être pas précisément merveilleux ; mais ce qu’il y a de sûr, c’est qu’ils sont à la dernière mode et dans le goût le plus nouveau. C’était une fureur alors que d’être amoureux et de chanter symétriquement ses amours en plusieurs livres, sous la forme imperturbable du sonnet. Le sonnet venait d’être importé en France par Pierre de Ronsard, Vendomois ; il était dans tout son éclat printanier, et il épanouissait, au soleil de la cour, ses quatrains et ses tercets diaprés d’antithèses et d’allusions mythologiques. — Aussi le