Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/74

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le monde sera encore peuplé longtemps. Deux inscriptions, l’une en latin, l’autre en français, afin que petits et grands comprennent, remplissent une bonne partie du ciel. Voici l’inscription latine : Omnia amore vivunt sine quo deficiunt. Voici l’inscription française :


Chacun recherche sa chacune ;
À tout sexe amour est commun :
Suyvant cette règle commune,
Aymez-moi, mais n’en aymez qu’un.


Pour qu’il n’y eût pas la moindre obscurité dans son tableau et que le sens en résultât clair et net, Virbluneau s’est représenté lui-même dans une posture anacréontique avec sa dame, tout à l’angle de la gravure. Je ne sais si c’est timidité ou ignorance de la perspective, il s’est fait deux fois moins gros que la poule placée au même plan que lui. — Angélique ne fut pas convaincue ; cependant la conséquence du syllogisme était facile à déduire et scolastiquement régulière : les oies aiment, les canards aiment, les crapauds aiment, donc vous devez aimer. Il eût été plus facile de se tirer de l’âne de Buridan. — Angélique se tira de là, et demeura de la cruauté la plus féroce. — Virbluneau, ne sachant où donner de la tête, compose une autre gravure où on le voit couché par terre, faisant la plus piteuse mine du monde, navré au côté et au bras comme un saint Sébastien par des flèches aussi longues que des broches. Une légende tortillée comme un tire-bouchon, ou comme un plumet de tambour-major quand il fait du vent, lui sort de la bouche et se déroule capricieusement en l’air ; cette fois-ci c’est de l’italien :